mardi 19 mars 2013

LES MARCHES


Sur la rampe, à dix ans on glisse d’innocence
se riant des matins et des heures imbéciles  
qui ne servent à rien pourvu qu’on recommence
du haut de l’escalier nos envolées futiles.   

Puis vers vingt ans la vie s’apprend et s’envisage ;
une première marche met fin aux jeux d’enfants
et, plus ou moins gamins selon les maquillages
on néglige la rampe, timide ou conquérant.

Certains montent tranquilles quand d’autres quatre à quatre
tournicotent essoufflés dans des colimaçons;          
tous pourtant se retrouvent dans le même théâtre
à jouer les valets, les tartuffes, les bouffons.

Lorsque les p’tits malins auront pris l’ascenseur
qui amène au sommet de l’échelle sociale,
l’escalier de service restera un bonheur
pour qui sera poète ou enfant de la balle.    

Trente ans quel heureux âge! L’apogée, le zénith
où l’on monte serein les marches du palais;
danserons-nous au bal des grandes réussites
avec une élégante, souriant au succès ?

Ensuite on nous mettra très vite en quarantaine
de ces jeunes années qui s’éloignent un peu plus 
et la nouvelle marche fera un peu de peine
pour un premier bilan du temps qu’on a perdu.

Mais on continuera en s’aidant de la rampe,
en regardant plus haut pour voir jusqu’où ça va;    
parfois nous sentirons ça et là quelques crampes     
et au palier suivant on se reposera.                         

En regardant plus haut on voit aussi des choses
sur les coups de midi quand le démon revient,
des jupons, des dentelles, dans les blancs ou les roses 
et les marches s’oublient aussitôt pour un rien.

Si je me penche un peu j’aperçois tout en bas
des enfants, cris joyeux qui viennent m’étourdir.
Dans mes sens appauvris se brouillent les émois
alors je m’assois là,  en haut des souvenirs.
.
Confusément heureux je voudrais redescendre
à cheval sur la rampe et courir au dehors,
tirer sur les sonnettes, sentir voir et entendre
la vie comme à dix ans. Recommencer encore.